COP23 : les 5 enjeux de la conférence sur le climat de Bonn

La 23e conférence internationale sur le climat, alias COP23, se tiendra du 6 au 17 novembre à Bonn. Il y a deux ans la COP21 avait été marquée par l'adoption historique de l'Accord de Paris, l'année dernière l'entrée en vigueur de l'Accord avait précédé de peu la COP22 de Marrakech mais l'enthousiasme avait été douché en pleine conférence par l'élection d'un climatosceptique à la Maison Blanche...

Cette nouvelle conférence sera-t-elle aussi mouvementée ? Que peut-on en attendre ?

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1. Préparer la COP24 et l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris


Pour comprendre la COP23, il faut se rappeler des deux conférences précédentes. Si vous avez manqué un épisode : l'Accord de Paris, le premier accord universel sur le climat, a été adopté en décembre 2015, il est entré en vigueur 11 mois plus tard. Ce délai très court est sans précédent pour la diplomatie environnementale moderne : le protocole de Kyoto par exemple avait mis 74 mois pour passer de l'adoption à l'entrée en vigueur.
Cette rapidité a pris tout le monde au dépourvu. En réalité, l'Accord de Paris n'est pas pret à être appliqué : c'est un texte resserré qui définit seulement les grands principes, il faut maintenant négocier les détails pratiques. L'année dernière, la COP22 a fixé la date à laquelle ces règles du jeu (ou "rulebook" en version originale) devront être finalisées : ce sera lors de la COP24 de Katowice en 2018.

A priori, la COP23 s'annonçait donc comme une conférence technique dont le principal enjeu est de préparer la suivante.
Ce que l'on attendait surtout de la COP23, c'est de faire avancer les négociations sur la mise en oeuvre de l'Accord de Paris afin qu'il puisse être appliqué comme prévu dès l'année prochaine. Le succès ou l'échec de cette COP se jugerait donc sur des signaux faibles : pas de grands textes à adopter en plénière, très peu de chefs d'Etat, des négociations de boutiquiers et des bruits de couloirs...


2. Gérer l'administration Trump


Mais ça c'était avant... Depuis un événement est venu tout bouleverser : Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis allaient sortir de l'Accord de Paris. La conférence de Bonn est la première depuis cette annonce et s'ouvre donc sur beaucoup d'incertitudes.

L'annonce de Donald Trump ne peut pas prendre effet avant 2019 et d'ici-là les Etats-Unis restent parties à l'Accord de Paris. On observera donc avec beaucoup d'attention et un peu d'inquiétude l'attitude des délégués américains : Vont-ils se mettre sagement en retrait ? Vont-ils tenter d'infléchir les négociations en leur faveur ? Ou vont-il essayer de tout bloquer ?

Cette dernière option serait évidemment catastrophique. Les décisions se prenant à l'unanimité, les Etats-Unis ont la possibilité de neutraliser les trois prochaines conférences, et de retarder dramatiquement la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. Dans ce cas, l'action climatique internationale serait probablement obligée de se déplacer vers d'autres forums pour éviter d'être paralysée. C'est peut-être ce qu'Emmanuel Macron avait en tête lorsqu'il a proposé un sommet sur le climat a Paris juste après la COP23.


3. Endiguer les Etats-Unis et éviter une contagion


Selon les optimistes, la position de Trump n'a pas eu d'impact en dehors des États-Unis. Au contraire, elle aurait même resserré les rangs et incité les autres pays et les acteurs non-étatiques à aller plus vite et plus loin.
La réalité n'est pas aussi rose : plusieurs pays sont arrivés à la COP21 en traînant les pieds et d'autres ne sont plus très enthousiastes à l'idée d'honorer leurs engagements. Ils pourraient être tentés de suivre les États-Unis dans leurs défection ou d'en profiter pour revoir les ambitions à la baisse. La COP23 sera l'occasion de savoir un peu plus précisément ce qu'il en est.

On surveillera notamment l'Australie, où les climatosceptiques dirigés par l'ancien premier-ministre Tony Abbott ont repris l'offensive après deux ans en retrait et semblent sur le point de l'emporter.
Il faudra aussi faire attention à la Russie qui n'a toujours pas ratifié l'Accord de Paris - avec la Turquie, c'est le seul pays du G20 dans cette situation. Au début des années 2000, Vladimir Poutine avait utilisé l'élection de Georges W. Bush et sa décision de ne pas ratifier le Protocole de Kyoto pour monnayer au mieux la ratification russe et obtenir de nombreuses concessions. Il pourrait être tenter d'utiliser à nouveau cette stratégie aujourd'hui...
Même en Europe, la situation n'est pas tout-à-fait rassurante. En Allemagne, pays-hôte de la conférence, des négociations compliquées sont en cours pour former une nouvelle coalition et l'ambition climatique est au coeur des discussions. Dans ce domaine comme dans d'autres, la Grande Bretagne pourrait être tentée par le moins-disant afin de retenir des entreprises effrayées par l'incertitude politique et réglementaire endémique depuis le 23 juin 2016. La France, elle, est à l'aube d'une révision de sa politique énergétique dont les conséquences pour les émissions de gaz à effet de serre sont encore incertaines.

En sens inverse, la Chine qui est, rappelons-le le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète, a fait un nouveau pas vers le leadership climatique avec  le discours de Xi Jinping le 18 octobre.

Bref, c'est toute la carte de la lutte contre le changement climatique qui est en train d'être redessinée et on y verra sûrement un peu plus clair à la fin de la COP23.


4. Confirmer la mobilisation des acteurs non-étatiques


De la même façon on suivra avec attention les interventions des collectivités et des entreprises. Le rôle de ces acteurs non-étatiquesa rapidement gagné en importance depuis quelques années et ils s'imposent comme une voie de recours aux Etats-Unis.
Les conférences précédentes ont vu un foisonnement d'initiatives, lesquels ont résisté à l'épreuve du temps ? La société civile sera-t-elle aussi mobilisée pour cette conférence a priori peu spectaculaire que pour les COP21 ou 22 ? Et, au-delà de leurs prises de position, quels progrès concrets les acteurs non-étatiques peuvent-ils démontrer ?


5. Apporter des réponses aux Etats insulaires et aux pays les plus vulnérables


C'est Frank Bainimarama, le premier ministre des Iles Fidji, qui présidera la COP23. C'est la première fois qu'un responsable d'un État insulaire a un tel rôle dans une conférence sur le climat.
Il aura certainement à coeur de faire entendre ces petits pays menacés de submersion et plus largement de donner la parole aux premières victimes du changement climatique. L'AOSIS, la coalition des Etats cotiers et insulaires, sera probablement très active notamment pour rappeler l'objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et les engagements financiers des pays développés.


Publié le 20 octobre 2017 par Thibault Laconde


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6 commentaires :

  1. Je crois qu'il ne faut pas trop s'affoler sur cette histoire de montée des eaux ! Si le niveau monte effectivement dans la capitale des Fidji (voir relevés marégraphe) d'environ 6,5 mm/an, sans aucune accélération visible, cela nous laisse pas mal de temps avant que la situation ne devienne catastrophique !

    On peut également se demander si l'urbanisation importante autour du marégraphe n'est pas liée à cette augmentation de niveau. On peut comparer avec le marégraphe installé à quelques centaines de km de là, dans les Vanuatu, qui montre un niveau à peu près stable !
    Signé: papijo

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    1. La hausse du niveau des océans est principalement causée par l'expansion thermique de l'eau (plus l'eau est chaude plus elle prend de place) qui est un phénomène parfaitement compris et maîtrisé. Elle est par ailleurs suivie très précisément par altimétrie satellitaire.
      Les données d'un marégraphe ne reflètent pas nécessairement cette évolution globale parce que la hausse n'est pas uniforme mais l'agrégation des mesures confirme que le niveau monte et que cette hausse s'est accélérée depuis les années 90. L'utilisation de proxy confirment aussi ces mesures.
      Là où vous avez raison, c'est que c'est un phénomène lent. Le bon coté c'est que ça nous laisse effectivement plus de temps pour nous adapter, le mauvais c'est qu'il va se poursuivre inéluctablement, probablement sur plusieurs siècles.

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    2. Le but de mon commentaire était évidemment de mettre en garde contre les relevés satellitaires. Les données des satellites conduiraient à une augmentation du niveau des mers de plus de 3 mm/an (très loin des 6 m annoncés par Al Gore dans un "proche avenir").
      Ce qui est "curieux", c'est que quand on compare avec les relevés "officiels" des marégraphes, il est très difficile d'en trouver qui dépassent ces 3 mm/an ! Et pour ce qui est d'une accélération, il faut vraiment avoir de bons yeux !
      A titre d'exemple, pour s'en tenir à la France:
      - Calais: 100 mm en 50 ans
      - Brest: 200 mm en 200 ans (mais 200 mm sur les derniers 100 ans)
      - St Nazaire: 75 mm en 50 ans
      - St Jean de Luz: 60 mm en 50 ans
      - Marseille: 150 mm en 120 ans
      - Fort de France: 45 mm en 20 ans
      - Pointe à Pitre: 20 mm en 20 ans
      - Papeete: 150 mm en 50 ans (seulement 50 mm sur les dernières 30 années)

      Avez-vous une explication ?

      Source: Site PSMSL (Permanent Service for Main Sea Level)
      Signé: papijo

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  2. Il y a un décalage saisissant entre la parole des Etats et la réalité dans les pays.
    La France parle beaucoup mais n'installe que 500 MW de solaire par an (100 fois moins qu'en Chine). Ou encore 1 GW d'éolien contre 23 GW en Chine sur 2016.
    L'Australie a un discours climatosceptique mais ajoute 1 GW de solaire par an.
    Ou encore le succès tout récent d'EDF qui vient de gagner 300 MW en Arabie Saoudite, et 800 MW à Dubai.
    On aurait presque l'impression que ceux qui en parlent le plus en font le moins, et inversement - sauf la Chine.

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    1. N'exagérons pas ! La Chine, d'après Wikipedia a installé 34.5 GW de solaire en 2016, ce qui est certes beaucoup, mais tout de même assez loin de 100 fois les 0.5 GW français. Vous auriez du aussi préciser que s'il y a eu ce pic, c'est parce que le gouvernement chinois a décidé de réduire les subventions à partir de 2017, et donc, il fallait se dépêcher de construire avant ! Il faut aussi préciser que pour développer quoi que ce soit, même en l'absence de besoins ou si cela ne sert à rien, il faut surtout savoir "amadouer" les gens de pouvoir, et là,les chinois ont la réputation d'être très forts ! Un exemple, toujours dans ce même article de Wikipedia, le "curtailment rate" de cette électricité photovoltaïque serait dans certaines régions de plus de 30% ! (le "curtailment" consiste à couper le raccordement d'une centrale en activité pour divers motifs: surproduction, lignes indisponibles ... Je ne sais pas comment cela se passe en Chine, mais en Europe en principe dans ce cas, les centrales ENR, contrairement aux fossiles continuent à être payées comme si elles produisaient)

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    2. Depuis le début de 2017, la Chine a installé 42GW de solaire PV. Elle devrait parvenir à 50 d'ici la fin de l'année, ce qui fait bien 100 fois plus qu'en France. Même rapporté à la population (20 fois plus importante en Chine qu'en France), cela fait un effort considérable, d'autant que les chinois sont aussi très actifs dans le solaire thermique.
      C'est exact qu'il y a eu une modification du système de soutien qui a pris effet le 1er juillet 2017 mais elle ne semble pas ralentir le rythme : la Chine a installé 24.4GW au premier semestre et devrait donc faire un peu plus au second.

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