Pour l'énergie et le climat dans la campagne de 2017

A 40 jours du premier tour, prenons un instant pour constater à quel point l'histoire s'est accélérée depuis la dernière élections présidentielle. En 5 ans, les énergies renouvelables ont changé d'échelle. Le prix du pétrole a été divisé par deux. Les États-Unis ont retrouvé la place de premier producteur mondial perdue il y a un demi-siècle. Des faillites ou quasi-faillites ont eu raison de nombreux énergéticiens, et les survivants s'efforcent de changer de modèle. Pour la première fois, l'Accord de Paris a ouvert la voie à une coopération mondiale vers un futur bas-carbone.
Que s'est-il passé dans le monde politique français pendant ce temps-là ? Les gouvernements de François Hollande n'ont pas manqué d'idées. Mais, à l'exception de la COP21, toutes ou presque ont fait long-feu : la loi Brottes devait créer une tarification progressive de l'énergie, elle a été censurée par le Conseil Constitutionnel. L'écotaxe poids lourds s'est terminée en fiasco. Le rééquilibrage du mix électrique a été inscrit dans la loi, mais en pure perte. Même la fermeture de Fessenheim s'est embourbée...


Cette fois, nous ne pouvons plus nous permettre un nouveau rendez-vous manqué


La France a en face d'elle deux défis de proportions historiques. D'une part, il nous faut gérer la fin de vie de nos centrales nucléaires, c'est-à-dire organiser leur rénovation lorsqu'elle est nécessaire, leur fermeture, leur démantèlement et leur remplacement. D'autres part, il faut accélérer la lutte contre le changement climatique, c'est-à-dire baisser radicalement nos émissions de gaz à effet de serre, nous préparer à gérer les conséquences du réchauffement de la planète et encourager l'ensemble de la communauté internationale à faire les mêmes efforts.
Il ne s'agit pas là de questions marginales, réservées aux experts ou aux écologistes. Soyons bien clair :  ces deux sujets déterminent l'avenir de notre pays et le monde dans lequel nous allons vivre d'ici quelques années - la mise hors service d'un tiers du parc nucléaire français fin 2016 ou la sécheresse de 2006-2011 qui a destabilisé la Syrie nous donnent un avant-gout du coût de l'inaction. Nous ne pourrons éviter une catastrophe, qu'au prix de difficiles arbitrages technologiques, économiques et sociaux, de centaines de milliards d'euros de dépenses et d'une politique industrielle sans équivalent dans l'histoire récente de notre pays.

Évidemment, les 5 années qui viennent ne suffiront pas à régler ces deux problèmes. Par contre elles peuvent, elles doivent tracer la voie et donner l'impulsion qui, à l'échelle d'une génération, nous permettront de relever ces défis. Le prochain gouvernement aura la tache ingrate de travailler pour ses successeurs : ce n'est que dans 20 ou 30 ans que nous saurons vraiment s'il a réussi. Mais si ces sujets ne sont pas abordés avec détermination au cours des 5 prochaines années, nous pourrons déjà dire avec certitude qu'il a échoué. Et nous avec lui.


Le prochain gouvernement a besoin d'une stratégie et d'un mandat clair


Nous l'avons constaté sans cesse au cours des dernière années, une politique énergétique ne peut plus être imposée depuis un cabinet ministériel. Sans le soutien de la population et d'au moins une partie des entreprises et des administration, elle reste lettre morte. Quelles que soient les solutions qui seront retenues, il ne doit y avoir aucun doute sur leur légitimité. C'est pourquoi elles doivent être énoncées clairement et discutées avant l'élection.
Professionnels ou passionnés de l'énergie, je crois qu'il est de notre devoir d'exiger ce débat. Il faut faire passer un message clair : notre vote, et celui de tout ce que nous pourrons influencer, en dépend.

C'est pour contribuer à cet effort que je lance aujourd'hui un dossier sur l'énergie et le climat dans les élections de 2017. Mon d'objectif est d'avoir un regard critique sur les programmes et de pousser les équipes de campagne à les clarifier autant que nécessaire. Je m'efforcerai également de suivre les prises de parole et les propositions des prochaines semaines.
Je vous invite vous aussi à interpeler les candidats et leurs équipes et à contribuer au débat. N'hésitez pas à me contacter si vous avez des idées ou des propositions dans ce sens.

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Publié le 13 mars 2017 par Thibault Laconde

3 commentaires :

  1. La loi sur l'autoconsommation est presque passé inaperçue, alors qu'à mon avis c'est avec la COP21 les deux avancées majeures du quinquennat.
    On attend toujours le décret d'application, mais voici ce que dit la loi dans sa partie utile (ne pas lire la partie concernant les moulins sur les cours d'eau de type 2- C'est juste pour la pêche:) ).
    La loi dit:
    "La fourniture d'électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d'une personne morale et dont les points de soutirage et d'injection sont situés en aval d'un même poste public de transformation d'électricité de moyenne en basse tension" (cf. futur article L. 315-2 du code de l’énergie)."

    En clair: un centre commercial pourra équiper son parking d'ombrières solaire et distribuer le courant produit dans toute la galerie marchande.
    Et pour la TURPE:
    "Cette disposition [exonération de taxes] s’applique également à la part, consommée sur le site, de l’électricité produite par les producteurs d’électricité pour lesquels la puissance de production installée sur le site est inférieure à 1 000 kilowatts. Pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, la puissance installée s’entend de la puissance crête installée ;" (ajout surligné).

    1 MW, ça fait déjà une belle surface d'ombrières ou de toiture industrielle.
    Maintenant ratifiée par le Sénat, cette loi constitue la brique indispensable qui freinait les micro/mini grid.
    Centres commerciaux, usines, bureaux, secteur résidentiel peuvent maintenant devenir producteur et distribuer l'électricité produite en aval du transformateur BT.

    Dans ce débat hyper technique, je pense que bon nombre de politiques n'ont pas perçus qu'ils venaient d'un coup de complètement libérer le secteur de l'énergie pour y faire rentrer toute personne morale en tant que producteur et distributeur.
    Il faudra rester vigilent sur les modalités pratiques, mais le vote de cette loi est proprement incroyable au pays du tout nucléaire.
    Par contre les fumeurs vont râler, car c'est le tabac qui va financer la manque à gagner de taxes...

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    1. Une simple question: qui paye ? (et accessoirement qui contrôle qu'il n'y a pas tricherie)
      Je n'imagine pas que dans votre exemple la galerie marchande va accepter de payer ses kWh au "tarif photovoltaïque" alors qu'elle peut les avoir pour 3 fois moins cher au "tarif EDF" (et qu'elle sera obligée de conserver son abonnement EDF pour s'éclairer la nuit)
      papijo

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    2. Le prix du photovoltaïque actuel sans subventions est proche de 90 €/MWh en ombrière et de 62,50 € au sol (voir le résultat du dernier appel d'offre CRE4).
      Cette loi exonère l'électricité produite localement de taxes.
      A comparer au 85,5 € / MWh hors taxes du tarif bleu EDF pour un 18 KVA.
      Le photovoltaïque 3 fois plus cher qu'EDF, c'était vrai il y a encore pas longtemps, mais on ne s'étonne même plus de voir des d'appels d'offre sous les 30 €/MWh ces derniers mois.
      Le but affiché par la loi n'est pas de quitter le réseau, mais de produire local et d'autoconsommer cette production à 100%.

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