Avis d'expert : Pourra-t-on un jour retirer des gaz à effet de serre de l'atmosphère ?

Dans quelques jours, l'Accord de Paris sur le climat sera ouvert à la signature au siège new-yorkais de l'ONU. C'est une première étape vers son entrée en vigueur, et l'occasion se s’interroger sur les effets de cet accord dans les années et les décennies qui viennent.

> Cet entretien est extrait d'une étude sur les implications économiques et technologiques à long-terme de l'Accord de Paris. Vous pouvez télécharger l'étude complète ici.


En se donnant pour objectifs d'atteindre zéro émission nette pendant la seconde moitié du XXIe siècle (article 4 : "parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la  deuxième  moitié  du  siècle"), l'Accord de Paris sous-entend que nous serions capable de retirer des gaz à effet de serre de l'atmosphère et ainsi de compenser les émissions que nous ne parviendrons pas à éliminer.
En réalité, si nous commençons à savoir capter le dioxyde de carbone dans les fumées des installations émettrices, nous sommes encore loin de pouvoir l'isoler en grandes quantités dans l'air ambiant où il est 500 fois moins concentré. Alors, la capture atmosphérique du carbone est-elle un mirage ?
J'en ai discuté avec Noah Deich, directeur du Center for Carbon Removal à l'université de Berkeley.


En quoi la capture atmosphérique du carbone est-elle importante après l'Accord de Paris ?

représentation d'une molécule de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre d'origine humaineLa capture du carbone est très précieuse pour atteindre l'objectif de long-terme de l'Accord de Paris. Au rythme actuel, le budget carbone permettant de limiter le réchauffement à 2°C sera épuisé dans 20 ans et le budget associé à 1.5°C sera épuisé dans seulement 6 ans. Même si les INDC proposées avant la COP21 sont toutes respectées, les émissions vont continuer à croitre pendant les prochaines décennies. Comme seule la capture atmosphérique peut compenser un dépassement de notre budget carbone, c'est une assurance vitale au cas où nous ne pourrions pas réduire les émissions assez vite .
Une autre raison importante pour développer les solutions de capture atmosphérique du carbone est qu'elles peuvent aider à élargir le soutien aux politiques climatiques, ce qui utile aussi bien pour réduire les émissions que pour capturer le CO2. Une explication complète de l’intérêt de la capture atmosphérique est disponible dans notre rapport Philanthropy Beyond Carbon Neutrality.

La capture atmosphérique est souvent vue comme de la science-fiction, qu'en est-il vraiment ?

La capture du carbone est souvent représentée à tort comme une seule solution ou une seule approche. En réalité, il existe une large variété de solutions écologiques et technologiques capables de retirer du CO2 de l'air, par exemple la restauration des écosystèmes, le biocharbon, la biomasse avec capture et séquestration du CO2 et des procédés chimiques qui isole le CO2 directement dans l'air ambiant.
Toutes ces approches nécessitent encore de la recherche et développement avant que nous puissions retirer le dioxyde de carbone de l'atmosphère de façon sure et efficace. D'une manière générale, les techniques écologiques sont plus proches de leur maturité commerciale mais des pilotes et des démonstrateurs existent pour des technologies comme la biomasse + CSC ou la capture directe. Il ne s'agit donc certainement pas de science-fiction.

Aperçu des méthodes de capture atmosphérique du carbone envisagées à l'heure actuelle
(cliquer sur l'image pour agrandir)

Quel est le retour d'expérience des projets existants ?

Les premiers projets montrent que les méthodes biologiques nécessitent une comptabilité carbone et des standards d'analyse de cycle de vie rigoureux avant de pouvoir être valorisées. Les solutions technologiques, elles, sont encore chères mais les essais montrent que les coûts pourraient baisser considérablement avec leur déploiement. Nos analyses présentent plus d'informations sur les projets et les différentes solutions.
La question clé est l'échelle : Quelles solutions ont le meilleurs potentiel ? Et sous quelles conditions pourront-elles être mises sur le marché ?

Qu'est-ce qui est nécessaire aujourd'hui pour accélérer le développement de la capture atmosphérique ?

De la recherche et développement et des démonstrateurs pour faire baisser les coûts et améliorer la comptabilisation du carbone, ainsi que des politiques, des réglementations et des marchés qui créent une demande pour la capture atmosphérique. Il faut encore de la R&D pour un grand nombre de solution et il est trop tôt pour dire qui seront les gagnants et les perdants.

A votre avis, quand la capture atmosphérique pourrait-elle commencer à jouer un rôle significatif dans la lutte contre le changement climatique ? Et à quel prix ?

D'ici une décennie, la capture atmosphérique pourrait jouer un rôle majeur dans les efforts d'atténuation. Je m'attend à ce que les premiers développement portent sur les solutions agricoles et écosystémiques qui s'appuient sur la photosynthèse pour séquestrer le carbone dans les plantes et les sols. Les systèmes technologiques, comme la biomasse + CSC ou la capture directe, pourraient être disponibles à l'échelle commerciale peu après. La vitesse à laquelle ces solutions seront commercialisées dépend des investissement qui seront réalisés par les gouvernements et le secteur privé.
A long-terme, les coûts seront vraisemblablement entre 10 et 100$ par tonne équivalent CO2. Mais il est difficile de dire combien cela va couter de développer ces techniques jusqu'au moment où elle deviendront rentables.


Publié le 20 avril 2016 par Thibault Laconde



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