Avis d'expert : La lutte contre le changement climatique et l'Accord de Paris vus de Chine

Demain, vendredi 22 avril, l'Accord de Paris sur le climat sera ouvert à la signature au siège new-yorkais de l'ONU. Ce sera un pas de plus vers son entrée en vigueur, probablement entre 2018 et 2020. C'est aussi l'occasion de s'interroger sur les prochaines étapes...

> Cet entretien est extrait d'une analyse complète de l'Accord de Paris. Vous pouvez télécharger l'étude ici.


La Chine est devenue il y a un peu moins de 10 ans le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète. Une place qu'elle va garder et conforter : d'ici quelques années, les émissions par habitant des chinois devraient dépasser celles d'un européen.
La Chine est donc être un acteur incontournable dans la mise en œuvre de l'Accord de Paris et plus généralement dans la lutte contre le changement climatique. Mais comment ce sujet est-il perçu dans le pays ? Est-il possible de concilier la maîtrise des émissions avec la poursuite du développement économique ?
J'ai posé ces questions à Feng Zhang. Feng est docteur en génie industriel et expert des questions de développement durable. Il est directeur des opérations dans une entreprise spécialisée dans l'efficacité énergétique.


Le climat est-il un sujet important pour les chinois ?

La Chine est bien sur très préoccupée par les questions environnementales et climatiques. Surtout depuis 2010 quand les problèmes de pollution et les manifestation des effets du changement climatique sont apparues comme des risques pour la stabilité du pays.

Afin de lutter contre le changement climatique et la pollution, le gouvernement chinois a présenté une série de lois et de normes environnementales qui visent principalement à réduire la consommation d'énergie fossile et à rendre le mix énergétique plus propre.
En 2014, celui-ci comprenait 66% de charbon contre 74% en 2005. La croissance de la consommation d'énergie s'est limité à 2.6%, inférieure de moitié à la moyenne de 6.6% enregistrée sur 10 ans. Du coté des hydrocarbures, la croissance a été de 0.2% loin des 5.9% des 10 dernière années. La production de charbon a baissé de 2.6% alors qu'elle avait cru de 5.3% par an en moyenne sur la décennie et la consommation s'est stabilisé.
La croissance annuelle des énergies renouvelables a été de 15.1%, pour atteindre 16.7% de la production mondiale contre seulement 1% il y a 10 ans. La croissance du nucléaire a été de 13.2%, deux fois supérieure à celle enregistrée en moyenne sur les 7 années précédentes. Parmi les énergies non-fossiles, l'hydroélectricité a connu la croissance la plus rapide (15.7%). Enfin, les émissions de CO2 ont augmenté de 0.9% (contre 5.9% en moyenne sur la décennie), à peine plus que la moyenne mondiale de 0.5%.


Quelle est la position de la Chine dans les négociations internationales sur le climat ?

Depuis la COP15, la Chine s'efforce de contribuer à la lutte contre le changement climatique mais aussi de jouer un rôle de facilitateur en comprenant les opportunités et les difficultés rencontrées par chaque pays. En tant que grand pays, la Chine s'attache aussi à définir sa propre position. Comme l'a dit le président Xi Jinping : "En matière de changement climatique, ce qui compte c'est que nous devons faire pas ce que les autres veulent que nous fassions. Nous avons déjà pris des mesures et nous continuerons à l'avenir." La dynamique vient donc d'abord de l'intérieur du pays.

Sur les questions environnementales, la position de la Chine est double : elle est d'abord un pays en développement, comme l'Inde elle a des besoins économiques urgent et doit défendre son droit au développement. Mais elle est aussi le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète et le premier consommateur d'énergie, principalement en raison de sa population, de son développement urbain et de son rattrapage industriel. Il existe donc une divergence entre sa responsabilité dans les émissions et sa capacité à lutter contre le changement climatique. Le texte de l'Accord de Paris permet de résoudre cette tension.


Comment la Chine peut-elle parvenir à une trajectoire d'émission compatible avec l'Accord de Paris ?

Dans le cadre de l'Accord de Paris, la contribution chinoise (INDC) prévoit de découpler le développement économique des émissions de gaz à effet de serre. La croissance deviendra moins dépendante du carbone principalement grâce à la baisse de l'intensité énergétique du PIB et à la décarbonisation du mix énergétique (à partir de 2030, ce second paramètre devrait jouer le rôle principal). La Chine veut ainsi créer des conditions plus favorables à un développement bas carbone

Plus spécifiquement :
  • Le pic des émissions de CO2 devrait intervenir le plus tôt possible et en tous cas avant 2030. A cette date, les énergie non-fossiles devraient représenter 20% de l'énergie primaire consommée en Chine.
  • L'intensité carbone devrait baisser d'au moins 60 à 65% entre 2005 et 2030.
  • Les forets devraient progresser de 4.5 milliards de mètres carrés.
  • Dès 2016, 10 "zones bas-carbone" expérimentales seront crées avec 100 projets d'atténuation et d'adaptation et plus de 1000 formations.
  • La coopération sud-sud devrait s'intensifier notamment grâce à un fonds climat de 20 milliards de yuans (2.7Mds€) destinés aux autres pays en développement.
"Courbe de Kuznet" environnementale
(Source : 巴黎协议:中国的承担与挑战 李 智 厦门大学中国能源经济研究中心, 15/01/2016)

Aux États-Unis et dans la plupart des pays développés, les émissions sont passées par un maximum de 10 à 22TeqCO2/hab lorsque le PIB a atteint 20 à 25.000$ par habitant. D'après l'INDC chinoise, les émissions par habitant ne devrait pas dépasser 8TeqCO2 - ce qui est remarquable surtout compte-tenu du rôle d'usine du monde que joue la Chine.


Publié le 21 avril 2016 par Thibault Laconde



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