"Energiekonzept" : le point sur la stratégie énergétique allemande

Lorsque l'on parle de la politique énergétique allemande, on pense souvent à l'Energiewende (littéralement, la transition énergétique) annoncée après Fukushima et à la sortie du nucléaire. Pourtant, cette décision inattendue de la chancelière Angela Merkel n'a pas remis en cause la stratégie énergétique qu'elle avait définie quelques mois auparavant : l'Energiekonzept.
Contrairement à une idée reçue, la politique énergétique de l'Allemagne
a été définie en 2010 et peu retouchée suite à l'accident de Fukushima
Quel est le contenu de ce document fondateur de la politique énergétique allemande ? Et où en est-on 3 ans après sa publication ?

Les objectifs de l'Allemagne pour le milieu du siècle

l'Energiekonzept définit essentiellement les objectifs de l'Allemagne pour 2050, avec dans certains cas des jalons à 2020 ou 2030.
Les principaux objectifs sont :
  • Émission de gaz à effet de serre : baisse de 80% par rapport à 1990
  • Consommation d'énergie primaire : baisse de 50% par rapport à 2008
  • Électricité à 80% d'origine renouvelable
  • Consommation d'électricité : baisse de 25% par rapport à 2008
  • Consommation d'énergie dans les bâtiments : baisse de 80% (sans que l'année de référence ne soit mentionnée)
  • Consommation d'énergie dans les transport : baisse de 40% par rapport à 2005
Par ailleurs, l'Energiekonzept comprend quelques 70 mesures destinées à atteindre ces objectifs. L'une d'entre-elle, sans doute la plus connue, était l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires. Cet amendement à la loi sur l'énergie atomique (AtomG) de 2002 ne remettait pas en cause la sortie du nucléaire mais la prolongation de l'exploitation des centrales existantes jusqu'en 2036 devait assurer la transition pendant la montée en puissance des énergies renouvelables.

L'Energiekonzept, une politique ambitieuse ? Non, un consensus minimal...

Quel est le niveau d'ambition de l'Energiekonzept ? Lorsque les objectifs se recoupent, il est globalement aligné sur les scénarios européens, par exemple :



Objectif  2050 Energiekonzept
Feuille de route UE pour l'énergie à l'horizon 2050
Émission de gaz à effet de serre
-80%
-80%
Consommation d’énergie primaire
-50%
-32 à -41%
Électricité d’origine renouvelable
80%
64 à 97%

Aucune surprise à cela : l'Energikonsept a été mis au point par un gouvernement conservateur, après que les élections de 2009 aient permis à Angela Merkel de mettre sur pied une coalition de droite sans le SPD (les socialistes allemands) avec lesquels elle partageait le pouvoir depuis 4 ans. Ces objectifs qui peuvent a priori sembler élevés sont donc plutôt, d'un point de vue allemand, des objectifs minimaux...

En réalité l'originalité de l'Energikonzept se trouve ailleurs. D'abord dans la mise au point d'une stratégie globale pour répondre aux enjeux énergétiques, placée au plus haut niveau dans l'agenda politique. En matière énergétique, 2050 est très proche, l'Allemagne l'a compris et a décidé de prendre résolument son avenir en main ce que, par conservatisme ou désinvolture, beaucoup d'autres pays refusent encore de faire.

Mais l'originalité de l'Energiekonzept apparait surtout en creux, il faut prêter attention aux objectifs qui n'ont pas été définis : pas d’objectif d'indépendance ou de sécurité énergétique, pas d'objectif de prix des énergies ou de compétitivité... Ces absences sont uniques parmi les politiques énergétiques européennes. Quelque soit l'appréciation que l'on porte sur les orientations choisies, elles démontrent la maturité et le réalisme de la réflexion allemande sur l'énergie : tous les objectifs ne peuvent pas être poursuivi simultanément et une politique ambitieuse implique nécessairement des choix.

Quelle mise en œuvre ?

La mise en œuvre de l'Energiekonzept s'est heurtée à un premier obstacle de taille au printemps 2011 avec l'accident de Fukushima. En un week-end, Angela Merkel a décidé de revenir sur l'extension de la durée de vie des centrales nucléaires : celles-ci seront bien mise à l'arrêt en 2022 comme cela été prévu jusqu'en 2010.
C'est un mécanisme fondamental de l'Energiekonzept qui a été remis en cause à cette occasion. Résultat : la transition allemande devra s'appuyer sur les énergies fossiles - il n'est pas possible de sortir à la fois du nucléaire et du charbon (qui a eux deux représentent près de la moitié de la puissance installée en Allemagne) en deux décennies - et elle sera plus couteuse que prévue... Cependant les autres objectifs n'ont pas été modifiés, et l'Energiewende de 2011 est venu en grande partie confirmer l'Energiekonzept de 2010.

Aujourd'hui, l'avis général dans l'industrie outre-Rhin est que la sortie du nucléaire aura sans doute bel et bien lieu en 2022. En effet le revirement de 2011 doit autant à Fukushima qu'à la perte d'intéret des entreprises allemandes, en particulier Siemens, pour cette technologie.

Avec le peu de recul dont on dispose aujourd'hui, il semble que les objectifs liés aux énergies renouvelables seront eux-aussi atteints. Mais cela se fait parfois en dépit du bon sens : aujourd'hui, 30% des cellules photovoltaïques produites dans le monde sont installées en Bavière - qui on en conviendra n'est pas la région la plus favorable à l'énergie solaire...
En ce qui concerne les autres objectifs, notamment les émissions de gaz à effet de serre et la baisse des consommation d'énergie, il est trop tôt pour un pronostic. Les résultats sont encore loin d'être acquis...

Crédit photo : By Bündnis 90/Die Grünen Nordrhein-Westfalen (Flickr: Aufgebrachte Menge!) [CC-BY-SA-2.0], via Wikimedia Commons

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1 commentaire :

  1. Je ne vois pas en quoi le fait de ne pas se préoccuper des prix de l'énergie ou d'indépendance énergétique est un signe de maturité. Il n'y a de plus dans le système Allemand (ni apparemment dans la pensée de la Commission Européenne) aucune analyse des conséquences d'un déclin des exportations pétrolières mondiales, considéré comme imminent par de plus en plus d'experts, sur le système énergétique. Quant à penser qu'on puisse faire plus de 30 à 40 % de l'électricité, en Allemagne ou en Europe, avec des énergies renouvelables, c'est ubuesque dans l'état actuel des techniques, étant donné l'intermittence de ces énergies ! Et la technique power-to-gas, si souvent évoquée pour pallier cette intermittence, a un rendement du puits à la roue qui ne doit pas dépasser 30 % en réalité !

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